La Lettre mensuelle - N° 95 École de la Cause freudienne. Paris Janv.91
(Extrait du cas)
Voici quelques réflexions sur le cas d'un petit garçon de 8 ans que nous appellerons Garik. Il est amené en consultation par sa mère pour des difficultés de sommeil : Depuis le tremblement de terre,
"Il ne dort pas seul, il ne veut pas qu'on éteigne la lumière. Il ne dort qu'à la condition d'être avec moi".
Sa mère le dit nerveux :
"Il dessine dans sa chambre pour se calmer".
Lors de la conception de Garik, il y eu un conseil de famille, réuni pour statuer sur cette prochaine naissance. Au cours d'un conseil de famille réuni, La belle-soeur énonça clairement et fermement le désir de la mère: «Si elle ne le veut pas, qu'elle ne le garde pas", induisant, chez la mère la réponse : "donc, je le garde". Ce qui nous permet de déduire la structure grammaticale de son fantasme : "Ce n'est pas moi qui désire sa mort, c'est elle... donc, je le garde".(et ) Elle s'érige maintenant en protectrice de son "objet.
Nous allons retrouver la trace de ce moment traumatique dans une série d'événements où le tremblement de terre viendra s'inscrire.
Le premier événement est l'épisode du refroidissement de la mère au sixième mois de La grossesse. Ce moment se cristallise autour de la toux. Sa mère (qui), en toussant, (Elle risquait en toussant, de lâcher l’enfant.)
Le deuxième événement est la tentative de sevrage, au dixième mois. Ce moment se cristallise autour de l'instant où la mère croit l'enfant mort.
Le troisième événement est l'épisode de la toux cette fois-ci de l'enfant, qui entraîne son hospitalisation avec sa mère. Ce moment se cristallise sur la « toux », cette fois-ci, c'est l'enfant qui risquait de lâcher sa mère.
Le quatrième événement est celui du tremblement de terre où il échappe, encore une fois, à la mort. A la suite de quoi, encore une fois, se réactualise l'impossible séparation de la mère et de l'enfant : évacuation conjointe au bord de la mer Noire, refus de dormir seul.
Au cours d'une séance, Garik nous dit qu'il a fait de nombreux rêves sur le tremblement de terre, surtout durant son séjour au bord de la mer Noire.
IL rêve : "Il y avait un grand mur. On a mis des pierres et de la boue pour le fermer. A ce moment-là un autobus passait. Il y a eu un tremblement de terre, l'autobus est tombé dans le ravin, et là, je me suis réveillé".
Dans son (ce) rêve, la lim
ite est marquée par la figure de mur. Celle-ci fait bord au corps de la mère où la castration maternelle est présentifiée par le trou qu'il doit colmater par des pierres et de la boue. Ce rêve montre sa position subjective face à la castration de l'Autre maternelle: A l'aide de ces objets, il en colmate le trou pour préserver sa vie.
Un jour, sa mère l’accompagne à la séance en tenant sous son bras, avec fierté, ses plus beaux et plus grands dessins, avec l'intention de nous montrer ce dont il est capable. Dialectique qui ne nous échappe pas car elle n'est pas sans évoquer son rêve où il colmata la béance maternelle. Les dessins se situent dans un rapport de similitude avec les pierres et la boue. Ceci nous permet de déduire la place que ses dessins occupent dans son économie psychique.
Ses dessins viennent "colmater" sa mère tout en lui apportant un peu de calme.
Les phénomènes psychosomatiques de sa prime enfance permettaient d'assurer le lien mère-enfant. Quand Garik a eu accès à la symbolisation, ses phénomènes corporels ont put être relayés par une production hors-corps, « les dessins », comme redoublement de lui-même.
Analyste praticien (AP) membre de l'Association Mondial de Psychanalyse(AMP).
Répétition et trauma chez les enfants d'Arménie
(Extrait du texte)
A la suite du séisme du 7 décembre 1988 une mission de Médecins du Monde est arrivée sur le terrain avec une équipe médicale.
Passés les secours de première urgence, est apparue l'urgence d'une aide particulière pour les "détresses psychiques". Je cite un rapport de l'époque : " les enfants présentaient les signes d'une névrose traumatique grave, et certains ont développé des phénomènes psychosomatiques (affections dont ils étaient indemnes avant le séisme), d'autres se sont enfermés dans un mutisme confinant à l'autisme ".
Mon intervention s'est située à deux niveaux : d'une part je travaillais avec les psychologues français sur les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer dans leur travail, d'autre part J'assurais des consultations pour les familles en situation très difficile.
J'ai centré mon travail sur le repérage clinique des symptômes : état dépressif, anorexie, mutisme, phénomènes psychosomatiques, troubles du sommeil, du comportement etc. Pendant les entretiens, j'ai été surpris de la facilité des Arméniens à associer idées et souvenirs à mes questions, à parler de leur intimité.
Laisser la place à l'expression individuelle a ouvert au sujet la possibilité de formuler leur histoire personnelle, et de s'approprier cette histoire interrompue par l'événement.
Dans l'après-coup de notre travail, nous avons pu constater que les entretiens menés avaient eu pour effet de permettre à un certain nombre d'enfants et à leurs parents d'exprimer l'insupportable, et ce faisant, de symboliser leur souffrance.
Trouver un lien par la parole a eu comme conséquence un soulagement de l'angoisse.
Quand je suis arrivé au lieu de consultations à Kirovakan, j'ai observé les personnes qui m'attendaient, assises en silence, le regard lointain. Au cours de la journée je sortais de temps en temps, les personnes qui se trouvaient là venaient me raconter leur version du tremblement de terre. Petit à petit chacun se rendait compte que ce qu'il avait vécu différait de ce qu'avait vécu son voisin. Les récits s'entremêlaient, et les discussions s'animaient peu à peu au fil de la journée.
Ces liens recréés leur permettaient de rétablir un tissu social brutalement déchiré, de s'extraire de la mortification et de relancer une dialectique de vie et de désir.
A la suite du séisme du 7 décembre 1988 une mission de Médecins du Monde est arrivée sur le terrain avec une équipe médicale.
Passés les secours de première urgence, est apparue l'urgence d'une aide particulière pour les "détresses psychiques". Je cite un rapport de l'époque : " les enfants présentaient les signes d'une névrose traumatique grave, et certains ont développé des phénomènes psychosomatiques (affections dont ils étaient indemnes avant le séisme), d'autres se sont enfermés dans un mutisme confinant à l'autisme ".
Mon intervention s'est située à deux niveaux : d'une part je travaillais avec les psychologues français sur les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer dans leur travail, d'autre part J'assurais des consultations pour les familles en situation très difficile.
J'ai centré mon travail sur le repérage clinique des symptômes : état dépressif, anorexie, mutisme, phénomènes psychosomatiques, troubles du sommeil, du comportement etc. Pendant les entretiens, j'ai été surpris de la facilité des Arméniens à associer idées et souvenirs à mes questions, à parler de leur intimité.
Laisser la place à l'expression individuelle a ouvert au sujet la possibilité de formuler leur histoire personnelle, et de s'approprier cette histoire interrompue par l'événement.
Dans l'après-coup de notre travail, nous avons pu constater que les entretiens menés avaient eu pour effet de permettre à un certain nombre d'enfants et à leurs parents d'exprimer l'insupportable, et ce faisant, de symboliser leur souffrance.
Trouver un lien par la parole a eu comme conséquence un soulagement de l'angoisse.
Quand je suis arrivé au lieu de consultations à Kirovakan, j'ai observé les personnes qui m'attendaient, assises en silence, le regard lointain. Au cours de la journée je sortais de temps en temps, les personnes qui se trouvaient là venaient me raconter leur version du tremblement de terre. Petit à petit chacun se rendait compte que ce qu'il avait vécu différait de ce qu'avait vécu son voisin. Les récits s'entremêlaient, et les discussions s'animaient peu à peu au fil de la journée.
Ces liens recréés leur permettaient de rétablir un tissu social brutalement déchiré, de s'extraire de la mortification et de relancer une dialectique de vie et de désir.
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